Compositeurs à l’honneur

Les ouvrages consacrés aux compositeurs romands se multiplient, signe réjouissant d’un intérêt renouvelé pour leurs œuvres. A défaut de pouvoir tous les présenter, voici quatre exemples très différents.

Julien-François Zbinden 1991 lors du tournage de «Plans-Fixes». Photo: Jean Mayerat, Rolle
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Outre les biographies écrites par des musicologues, différentes voies existent pour présenter la vie, la pensée et l’œuvre des compositeurs. Le genre de l’autobiographie peut revêtir différentes formes. Dans son ouvrage rassemblant souvenirs et réflexions sur le monde présent, le compositeur et pianiste Julien-François Zbinden, qui fête ce mois-ci ses 100 ans (voir article RMS 11_2017, page 32) parle relativement peu de musique, et encore moins de ses œuvres, fidèle à ce qu’il avait déclaré lors de la sortie il y a sept ans de son premier ouvrage : « offrir quelques reflets de ma pensée et quelques images de mon existence, parce que la somme de mes œuvres musicales révèle ce que je sens, mais nullement qui je suis. » Ainsi, ce livre alterne une galerie de souvenirs relatés par le biais d’une multitude d’anecdotes racontées avec humour (enfance, amitiés, voyages) avec un dialogue imaginaire lui permettant d’interroger la sémantique, d’aborder la difficile question du libre-arbitre, de faire l’éloge de la lenteur et de la patience dans une société excitée qui oublie les vertus du silence. Convaincu que le temps des croyances et des prophètes d’essence divine est révolu, il ajoute que « le temps de la sagesse doit advenir sous peine de disparition de l’humanité. »

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Des entretiens enregistrés puis condensés, avec ajout de commentaires, voilà le travail, qui se situe entre la biographie et l’autobiographie, qu’a réalisé András Farkas avec son père Ferenc, compositeur hongrois – unique non-romand évoqué dans cet article, il possède cependant des liens avec la Suisse par son fils, chef d’orchestre établi sur sol vaudois. En dehors des immenses personnalités comme Bartók, Kodály, Kurtág et Ligeti, les autres compositeurs hongrois du 20e siècle ont peu été diffusés en dehors de leur pays natal. Avec Farkas, né dans l’Empire austro-hongrois en 1905 et mort en 2000, c’est tout un siècle de bouleversements qui nous est conté, avec ses pertes, ses horreurs, ses désillusions. Compositeur prolifique, en particulier de musique vocale, il réalisa de nombreuses musiques de film et de scène. Représentant de la lignée néo-classique, il forma de nombreux élèves.

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Ni musicologue, ni historien, Jean Winiger présente Joseph Bovet, avec toute sa passion et son talent d’acteur et de metteur en scène, usant d’un lyrisme rendant quelquefois difficile à saisir ce qui ressort de l’invention de l’auteur et de ce qui se fonde sur des faits avérés. Toujours est-il qu’il se base sur de nombreux témoignages de personnes ayant connu « l’abbé chantant », dont la mélodie Là-haut sur la montagne est populaire dans le monde entier, jusqu’en Australie, au Viêtnam et en Mongolie, bien plus que le nom du compositeur. L’émotion qui émane d’une œuvre comme Nouthra Dona di Maortse, par exemple, n’est pas le fruit du hasard : la connaissance parfaite de l’écriture chorale, l’art de l’harmonisation juste, l’usage du diatonisme inspiré par le plain-chant y concourent. Winiger souligne à quel point l’amour de la musique se confondait, chez ce grand amoureux de la nature et des gens simples, avec la volonté de soulager les souffrances, de transmettre joie et espoir, mais aussi d’initier le grand public à la culture. Dans cette optique, l’infatigable animateur de la vie chorale fribourgeoise se dépensait sans compter, en dépit des nuages de jalousie et de médisance qui s’amoncelaient sur sa tête, assombrissant ses dernières années.

Enfin, une courte plaquette présente le catalogue actuel des œuvres de la compositrice et organiste valaisanne Marie-Christine Raboud-Theurillat, née en 1948, dont les œuvres touchantes, d’essence modale, mériteraient d’être davantage connues, en particulier sa production de musique de chambre. Ces 74 numéros d’opus, jaillis en une vingtaine d’années, offrent des paysages intérieurs riches d’émotion. Fauré, Bartók, Messiaen font partie des compositeurs qui ont fait germer l’inspiration de cette attachante personnalité musicale.

Julien-François Zbinden : de Vous à Moi, 176 p., Fr. 27.00 ; Editions de l’Aire, Vevey 2017, ISBN 9782940586677

András Farkas : Mon père m’a raconté… La vie du compositeur hongrois Ferenc Farkas, € 19.00, Delatour France, Sampzon, ISBN 978-2-7521-0307-9

Jean Winiger : L’Abbé Bovet. Là-haut sur la montagne. Au-delà de la légende, 200 p., Fr. 35.00, Editions Cabédita, Bière 2017, ISBN 978-2-88295-767-2

Marie-Christine Raboud-Therillat, compositrice et organiste : liste des oeuvres conservées à la Médiathèque Valais, par Annie Thiessoz Reynard et Jean-Louis Matthey, préf. de Damian Elsig, avant-propos d’Antonin Scherrer, 37 p., Médiathèque Valais, Sion 2017

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